Loader

    • Défilez pour parcourir les quartiers

    • Découvrez les étoiles

L
e
c
o
u
p
l
e
I

Elle m’avait écrit « je soleil » avant de se corriger « je sais* !! foutu autocorrect… »

J’avais ri. Puis j’avais répondu « alors on se constellise », suivi de « on se comprend* ».

Elle avait répliqué avec une dizaine d’emojis hilares.

Je peux affirmer que ça a commencé à ce moment-là. Je ne me souviens même pas de ce qu’elle « savait » exactement et de ce sur quoi on se comprenait; quelque chose en lien avec le travail. Depuis le début du confinement, on se parlait des heures chaque jour, par textos et par Zoom, pour régler des dossiers ou pour parler du nouveau site web qui n’avançait pas. Mais à partir de ce jour, on a, peu à peu, ouvert l’éventail de nos échanges. Elle m’envoyait des photos de son chien et de sa promenade du midi dans les rues fantomatiques de Paris. Je lui envoyais des photos de ma rue, avec l’espèce de tourelle au coin Monseigneur-Gauvreau et du Roi. Ou bien je sortais la guitare, quand la conversation s’enlisait, et je nous offrais une « pause musicale ».

On a commencé à s’écrire aussi la fin de semaine. Des messages généralement brefs, mais qui nous faisaient nous esclaffer. Une routine était apparue, et on s’y laissait flotter sans se poser trop de questions.

Puis le congé des Fêtes est arrivé.

Le lundi matin, j’ai eu un étrange nœud brûlant dans la gorge en réalisant qu’on ne se parlerait pas ce jour-là.

Le mardi, j’ai ouvert mon cellulaire pour y découvrir un message : « tu sais, on parle vraiment beaucoup… »

J’ai écrit : « oui… est-ce que c’est trop ? c’est trop, pas vrai… »

Elle : « non »

« c’est l’inverse, en fait »

« je sais pas si c’est admissible à dire mais… »

« c’est comme jamais assez… »

J’ai dû prendre une profonde inspiration. Mes organes se chamaillaient.

Moi : « ah bon ? je suis un peu surpris de l’entendre… »

Elle : « oh ! pourquoi ??? »

Moi : « parce que je pense exactement la même affaire »

« c’est donc tout à fait admissible, oui »

Elle : « :) :) :) »

Moi : « :) ;) »

Par la suite, nos conversations se sont allongées. On parlait n’importe quand, de n’importe quoi. Les semaines, puis les mois ont filé. J’observais anxieusement l’évolution de la pandémie et la réouverture des vols commerciaux. Je n’osais pas le lui dire, je ne savais pas si c’était « admissible » pour elle, mais je commençais à désespérer de la voir devant moi, en chair et en os. C’est pourquoi, dès l’annonce de la réouverture des frontières, j’ai fait une folie.

Moi : « j’ai acheté un billet pour la France »

« je pars le 28 ;) »

Elle : « oh ! »

« ehm… c’est un peu fâcheux… je dois te l’avouer… »

Mon sang s’est glacé dans mes veines. Je me suis senti tout à fait idiot. J’en avais les mains moites de honte.

Moi : « ... ok...

« bon, écoute… désolé… »

« j’imagine que je vais voir pour me faire rembourser… »

Elle : « … faudrait oui… »

« parce qu’en fait… »

« j’ai acheté un billet pour le Québec sur un coup de tête… »

« j’arriverais dans trois jours »

« si c’est admissible...? ;) »

18 saint roch paul bordeleau
    • Félix Villeneuve

    • Paul Bordeleau

Audio: Total duration: 64.15673469387755 seconds | Play | 0

Nous respectons votre vie privée.

Nous utilisons le minimum de cookies et ces derniers sont là pour améliorer votre expérience de navigation et connaître l'achalandage de cette œuvre littéraire hypermédiatique. Toutes les données cumulées sont anonymes et utilisées exclusivement au sein de notre organisme.

En cliquant sur « J'accepte », vous consentez à notre utilisation des cookies.

En savoir plus