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        • La sonnette retentit. Kalid court répondre, certain de ce qu’il trouvera sur le pas de sa porte. C’est vendredi. Et comme tous les vendredis depuis le début du couvre-feu, le sac de papier brun est là, contenant un riz frit aux légumes, un nid d’oiseau au porc et une grosse barquette de poulet général Tao. Au fond, soigneusement disposés, une poignée de biscuits de fortune, les sachets de sauce soya, les ustensiles en plastique. Le livreur, masqué, lève le pouce, mais cette fois Kalid ne lui retourne pas tout de suite son geste.

        • La première fois, ayant cru à une confusion, il avait appelé au restaurant pour signaler qu’on lui avait livré par erreur une commande sans contact, « sur D’Aiguillon, dans Saint-Jean-Baptiste », sans que l’employé ne parvienne à la retracer dans le système. Aucun client ne s’était plaint d’ailleurs. « On gère beaucoup de commandes les fins de semaine, gardez-la, monsieur. » Il avait attendu une heure, par principe, au cas où on l’aurait rappelé, avant de roucouler de plaisir en mangeant les plats avec son coloc. La deuxième fois, il avait attendu trente minutes, la troisième, quinze, la quatrième, les plats avaient été servis aussitôt arrivés dans les couverts préparés d’avance.

        • Bien que cet étrange rituel l’arrangeait – sa petite job d’étudiant ne lui aurait jamais permis de se payer du resto toutes les semaines –, même en cuisinant gentiment la téléphoniste, Kalid n’avait rien pu découvrir sur l’énigmatique client, les informations liées aux transactions financières étant jalousement protégées, pour mille et une bonnes raisons.

        • C’est son coloc qui lui avait donné l’idée d’explorer une autre piste.

          - Le livreur, c’est toujours le même.
          - C’est peut-être son secteur?
          - Justement, y sait peut-être quelque chose sur le client.

        • Voilà pourquoi aujourd’hui Kalid enjambe le sac plutôt que de le ramasser. Il veut parler au livreur. Trois voitures forment une file derrière celle du livreur garée en double.

          - Attendez! Excusez-moi!

          Le livreur continue de marcher en pointant la file des véhicules, il faut qu’il bouge avant qu’on s’impatiente.

          - Avez-vous le bon de livraison?

          - Euh…

          - Je voudrais juste savoir le nom du client.

          - Y a pas de nom.

          - Sûr?

          - Oui.

          - Shit.

        • Derrière son masque, sous sa casquette enfoncée jusqu’aux yeux, le livreur sourit.

          - Désolé.

          Après un petit signe rapide de la main, il s’engouffre dans sa voiture et libère le passage. Au coin de la rue, il tourne à droite, sur Sainte-Marie, se stationne. Il retire son masque pour respirer et calmer son cœur qui fait des embardées. Il n’avait pas prévu le coup, le voir de si près, parler avec lui. C’est ce qu’il peut faire pour l’instant. Une chose à la fois. Le nourrir un peu, déjà, ce fils qu’il n’a pas connu, lui fait un bien fou.

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    • Marie-Renée Lavoie

    • Paul Bordeleau

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